allez un p'tit texte canadien
Expliquer la fiscalité avec 10 bières...
- Cette article fut publié sur le blogue de Claude Picher du quotidien LaPresse -
J'ignore qui a rédigé ce texte. Paraît-il que ce serait un professeur
d'université qui essaie d'expliquer le fonctionnement des impôts, mais ce
n'est pas sûr.
À quelques poussières près, les proportions et les chiffres qu'il fournit
sont exacts.
Les experts utilisent parfois un vocabulaire technique assez rébarbatif.
Par exemple, s'ils veulent diviser les contribuables en 10 groupes égaux
selon les tranches de revenus, ils parlent de déciles.
Le Québec compte 5 779 926 contribuables; il y a donc 577 993 contribuables
dans chaque décile, le premier comprenant les plus pauvres. Nulle part
l'auteur ne parle de décile; dans son texte, chaque décile est remplacé
par... un buveur de bière!
Je ne peux m'empêcher de vous transmettre ce bijou. C'est un chef-d’œuvre
de vulgarisation, et je lève mon chapeau au père de cette trouvaille. Et
j'insiste là-dessus: le texte que vous allez lire reflète avec précision la
progressivité du régime fiscal québécois.
Chers lecteurs, je vous laisse apprécier par vous-mêmes, en gardant à
l'esprit que le dixième homme, le plus riche, dans cette histoire,
représente les Québécois qui gagnent 50 000$ ou plus.
////////////////
Voici donc l'explication
Supposons que tous les jours, 10 hommes se retrouvent pour boire une bière
et que l'addition se monte à 50$ (normalement, 5$ chacun). S'ils payaient
la note de la façon que l'on paie les impôts, selon les revenus de chacun,
on aurait l'exemple suivant:
Les quatre premiers, les plus pauvres, ne paieraient rien, zéro cent.
Le cinquième paierait 50 cents.
Le sixième paierait 1,50$.
Le septième paierait 3,50$.
Le huitième paierait 6$.
Le neuvième paierait 9$.
Le dernier, le plus riche, devrait payer 29,50$ à lui tout seul.
On arrive donc bien à 50$.
Ils décidèrent de procéder comme décrit. Les dix hommes se retrouvèrent
chaque jour pour boire leur bière et semblèrent assez contents de leur
arrangement. Jusqu'au jour où le tenancier du bar les plaça devant un
dilemme: «Comme vous êtes de bons clients, dit-il, j'ai décidé de vous
faire une remise de 10$. Vous ne paierez donc vos dix bières que 40$.»
Le groupe décida de continuer à payer la nouvelle somme de la même façon.
Les quatre premiers continuèrent à boire gratuitement. Mais comment les six
autres, les clients payants, allaient-ils diviser les 10$ de remise de
façon équitable? Ils réalisèrent que 10$ divisés par 6 faisaient 1,66$.
Mais s'ils soustrayaient cette somme de leur partage, alors le cinquième et
le sixième homme allaient être payés pour boire leur bière (1,16$ et 16
cents). Le tenancier suggéra qu'il serait plus judicieux de réduire
l'addition de chacun selon le même barème et fit donc les calculs.
Alors?
Le cinquième homme, comme les quatre premiers, ne paya plus rien, Un pauvre
de plus.
Le sixième paya 1$ au lieu de 1,50$ (33% de réduction).
Le septième paya 2,50$ au lieu de 3,50$ (28% de réduction).
Le huitième paya 4,50$ au lieu de 6$ (25% de réduction).
Le neuvième paya 7,50$ au lieu de 9$ (17% de réduction).
Le dixième paya 24,50$ au lieu de 29,50$ (16% de réduction).
On arrive bien à un total de 40$.
Chacun des six clients payants paya moins qu'avant, et les quatre premiers
continuèrent à boire gratuitement.
Mais une fois hors du bar, chacun compara son économie.
«J'ai seulement eu 50 cents sur les 10$ de remise», dit le sixième et il
ajouta, montrant du doigt le dixième: «Lui, il a eu 5$!!!»
«C'est vrai», s'exclama le septième. «Pourquoi il aurait eu 5$ de rabais
alors que moi je n'ai eu que 1$? Le plus riche a eu la plus grosse
réduction!»
«Attendez une minute, cria le premier homme. Nous quatre n'avons rien eu du
tout. Le système exploite les pauvres».
Les neuf hommes cernèrent le dixième et l'insultèrent.
Le jour suivant, le dixième homme ne vint pas. Les neuf autres s'assirent
et burent leur bière sans lui. Mais quand vint le moment de payer, ils
découvrirent quelque chose d'important: ils n'avaient pas assez d'argent
pour payer ne serait-ce que la moitié de l'addition.
Et cela est le reflet de notre système d'imposition. Les gens qui paient le
plus d'impôts tirent le plus de bénéfice d'une réduction de taxe et, c'est
vrai, ils resteront plus riches. Mais si vous les taxez encore plus fort et
les condamnez à cause de leur richesse, ils risquent de ne plus se montrer.
Pour ceux qui ont compris, aucune explication n'est nécessaire.
Pour ceux qui n'ont pas compris, aucune explication n'est possible.
Fin de la citation.